L’hiver est grave

L’hiver est grave.
L’air est humide à l’intérieur, il poisse.
Je regarde par la fenĂŞtre. Dehors, il pleut.
L’eau coule comme des larmes en sanglots.
Ma vision est obscurcie par la noirceur de l’orage.
Mes pensées sont agitées, comme les quelques feuilles qui résistent encore sur les branchages... — elles résistent.
Je me noie sous autant de flotte. 
Écrire est ma bouée de sauvetage. 
L’encre de ma plume est comme l’encre d’un bateau de luxe qui fonce droit sur les rochers que je regarde.

J’écris — je crie en silence quelques mots de l’âme sur le papier…
Sans ma plume je me noie, je n’ai pas pied — je ne sais pas nager dans cet océan de mers agitées.
Ma mère m’a jeté dans cette embarcation sans horizon, sans rivage. Je m’accroche à ma plume, mais je ne sais pas voler pour prendre mon envol.

Je me regarde me noyer sous la puissance du souffle des mots du dieu Éole qui souffle dans la mauvaise direction, l’embarcation livrée à elle-même, sans personne au gouvernail.

Je suis coupable de mes silences !

Alors j’écris… j’écris…
je crie les mots de l’âme.
Elle m’appelle.
J’ouvre mon carnet
comme on entrouvre une porte vers l’ailleurs.

Je m’y installe.
Je m’y plonge.
Je m’abandonne à des rivages inconnus.
Mon carnet devient un passage,
visible à travers une brèche —
une faille. Un passage secret. Ici, tout se crée.
C’est là que la magie opère.
L’opération se fait !
Je pose mes mots.
Ils apparaissent.
Et, avec eux, la lumière revient.
Ce sont eux
qui me font renaître de l’autre côté.

Les mots cherchent un corps pour exister.
Une terre Ă  vivre.

Au diable les orages !
Ici, la vie est belle.
Il suffit de regarder du bon côté.
Alors je m’y installe,
et je bavarde…
je bavarde à satiété !

Alary Christophe

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